Propriété intellectuelle: récupération des frais auprès de l’adversaire
Cet été, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt au sujet du remboursement des frais de justice dans le domaine de la propriété intellectuelle. Les précisions que la Juridiction apporte en la matière sont inédites et remettent en cause le système belge, basé sur des indemnités forfaitaires. En effet, l’arrêt tend à confirmer qu’il doit être possible de se faire rembourser par l’adversaire l’ensemble des frais d’avocats, à la condition que ces honoraires respectent plusieurs critères.
Ce qu’il faut retenir de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne
Les réponses de la Cour peuvent paraître alambiquées si l’on ne maîtrise pas l’usage du vocabulaire juridique. Toutefois, les amateurs et professionnels emportés dans une procédure judiciaire en matière de propriété intellectuelle pourront en retenir les éléments suivants:
En Belgique, lors d’une procédure judiciaire, il conviendra à la partie succombant de prendre en charge le remboursement des frais occasionnés par la procédure, qui furent supportés par la partie ayant obtenu gain de cause. Il s’agit de ce qu’on appelle l’indemnité de procédure. La nouveauté se situe en ce que le montant à rembourser pourra désormais comprendre les honoraires d’avocats. Afin de déterminer ledit montant de ce remboursement et les honoraires devant y être compris, le juge se réfèrera à la grille forfaitaire en vigueur et analysera ensuite si le montant est premièrement raisonnable. C’est-à-dire qu’il devra se limiter aux frais indispensables déboursés par la partie gagnante au procès.
Deuxièmement, le juge regardera si le montant est proportionné. Il examinera si la somme est adaptée en rapport avec une série d’éléments tels que l’objet du litige, la complexité des questions juridiques posées, la capacité financière du débiteur, …
Il faut savoir également que la grille forfaitaire est accessible par la consultation de l’article 2 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l’article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d’entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d’avocat. Ceci afin de garantir votre droit à la sécurité juridique et de la prévisibilité du coup de la justice, ainsi qu’ à l’accès à la justice. En vertu de ces droits, le juge devra donc s’assurer que le remboursement ne constitue pas une charge excessivement onéreuse pour son débiteur et qu’il n’inclue pas l’ensemble des honoraires d’avocats payés par la partie ayant obtenu gain de cause. En effet, le débiteur de l’obligation de remboursement n’a pas à subir le choix du prix des honoraires, établi de façon subjective et suivant la volonté de son créancier avec son avocat. Il convient d’assurer une certaine égalité entre les parties, sans que l’une puisse imposer son poids financier à l’autre. Sans quoi, l’accès à la justice s’en trouverait malmené.
Troisièmement, le juge pourra avoir égard à l’équité afin de déterminer le montant du remboursement. Effectivement, l’obligation du débiteur est une règle générale à laquelle l’équité peut faire exception et il conviendra au juge de l’estimer selon des critères objectifs, tels que la situation financière de la partie succombant.
Lorsque des frais d’experts techniques ont été engagés par la partie ayant obtenu gain de cause, ceux-ci ne seront pas d’office repris sous la notion des frais de justice à rembourser. En effet, il ne suffit pas que ces frais aient été déboursés à l’occasion de l’action judiciaire. Le juge devra d’abord vérifier si ces dépenses ont un lien directe et immédiat avec l’action en justice. Aussi, nulle condition de faute contractuelle ou extra-contractuelle ne devra être prise en compte.
En conclusion:
Ainsi, au-delà des indemnités de procédure forfaitaire mises en place via le système belge, les frais de procédure réels pourraient être remboursés à la partie ayant obtenu gain de cause, à condition qu’ils soient en lien directe et étroit avec l’action en justice et qu’il reste raisonnable. De quoi encourager davantage à faire respecter ses droits de propriété intellectuelle!