Les administrations fiscales belges sont des intervenants à part entière sur le marché de l’art, et par leur intermédiaire, c’est l’Etat qui met en œuvre des choix politiques. Si, de manière générale, il existe peu de textes propres au droit de l’art, quelques règles fiscales sont prévues pour les propriétaires d’œuvres d’art.
Déduction fiscale de l’achat de l’œuvre ?
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La tour des finances. Source: Shutterstock |
Chez nos voisins français, il est possible d’obtenir des avantages fiscaux lorsqu’une entreprise achète des œuvres d’un artiste vivant. Pour rappel, en Belgique, il n’existe aucun équivalent. Le principe même de la déductibilité fiscale de l’achat d’une œuvre d’art est proscrit dans notre pays (sauf rare exception pour les immeubles à bâtir). Ce n’est donc pas dans l’opération d’achat en tant que telle que le législateur belge a souhaité jeter son dévolu.
Préserver le patrimoine artistique du pays
La patrimoine artistique d’un pays doit faire l’objet de toutes les attentions. Si c’est vrai pour le patrimoine immobilier, dont ce postulat se traduit par le classement de certains bâtiments à la qualité architecturale avérée, c’est aussi vrai pour les objets mobiliers de qualité : œuvres d’art ou antiquités. Seulement, une œuvre est par essence beaucoup plus facilement transportable qu’un bâtiment, ce qui est de nature à faciliter la dispersion à l’étranger du patrimoine artistique du pays. Partant de ce constat, le législateur a édicté des règles visant à encourager la transmission d’œuvres à l’Etat.
La dation en paiement des droits de succession
Au décès d’un artiste ou d’un collectionneur, il arrive que des héritiers se retrouvent à la tête d’une collection artistique à la valeur importante, ce qui va par répercussion engendrer des droits de succession élevés
[1]. Pourtant, une succession ne dispose pas nécessairement des liquidités nécessaires pour payer la taxe due au moment voulu. Si rien n’était prévu, elle n’aurait d’autre choix que de procéder à la vente des œuvres sur le marché afin de disposer des fonds utiles pour s’acquitter de la taxe. Or sur le marché de l’art, vendre précipitamment est la meilleure manière de vendre mal et de dévaloriser les œuvres et/ou l’artiste.
Les héritiers eux-mêmes sont régulièrement demandeurs que des œuvres atterrissent dans les collections des musées belges : reconnaissance de l’artiste, augmentation de la cote, préservation de la collection,… Autant de motifs valables !
Dans un tel cas de figure, lorsque l’on est en possession d’œuvres faisant partie du patrimoine artistique du pays ou d’œuvres ayant une renommée internationale, il est possible de faire la demande auprès de l’administration fiscale en vue d’effectuer une dation en paiement de la taxe, c’est-à-dire s’acquitter de la dette fiscale par le transfert de propriété de l’œuvre en faveur de l’Etat.
Une fois la demande introduite (attention aux délais d’introduction de la demande), une procédure administrative est enclenchée visant à évaluer la ou les œuvre(s) par une commission d’experts
[2]. A la fin du processus, durant lequel le contribuable peut intervenir pour formuler des observations, celui-ci peut accepter l’offre de l’administration auquel cas il est procédé à la dation au sens strict ou, au contraire, retirer l’œuvre et régler la taxe par paiement en argent.
Réduction fiscale contre donation d’œuvres
Selon une procédure identique, il est également possible d’obtenir une réduction fiscale de 45% en cas de
donation d’une œuvre à un musée étatique[3]. A notre regret, cette possibilité est limitée aux personnes physiques, et exclut les personnes morales. De même, seul l’impôt des personnes physiques est visé, de sorte que les nombreuses autres taxes du pays ne peuvent être acquittées par ce biais.
[1]Pour rappel, le taux des droits de succession varie en fonction du lien de parenté avec la personne décédée, et l’ampleur du patrimoine et, le cas échéant, du pays ou de la région concernée.
[2]Article 83/3 du Code des droits de succession.
[3]Article 145/33 du Code l’impôt sur les revenus.